L’USAF entre l’Iran et le F-22

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L’USAF entre l’Iran et le F-22

L’USAF tient à rassurer les populations, par la voix de son chef d’état-major, le général Gordon Schwartz : elle a les capacités qu’il faut pour attaquer l’Iran. (Autrement dit : il ne suffit certainement pas de s’appuyer sur l’U.S. Navy pour l’emporter.) Les propos, relayés par PressTV.com le 29 mars 2012, sont assez anodins, dans tous les cas sans surprise. Ils font partie du bruit de fond autour de l’Iran, avec tout de même le point particulier de savoir ce dont l’USAF dispose réellement en fait de monstre type MOP (Massive Ordnance Penetrator), – les bombes de 15 tonnes capables de pénétrer autour de 50-60 mètres de béton, ou un quarantaine de mètres de roche, pour toucher les installations souterraines iraniennes. (Mais ces capacités, qui sont celles de l’actuelle bombe MOP, ne seraient pas suffisantes, et l’industrie s’active à faire mieux, un peu plus monstrueux.) Les déclarations du général Schwartz sont de la plus parfaite langue de bois, à usage de l’enfoncement des portes ouvertes.

«“We have an operational capability and you wouldn't want to be there when we used it,” [Schwartz] said when asked about a 30,000-pound Massive Ordnance Penetrator (MOP) bomb. The general, however, refused to comment if the MOP bomb could reach underground nuclear sites in Iran. “Not to say that we can't continue to make improvements and we are,” he said on Wednesday. “The bottom line is we have a capability but we're not sitting on our hands, we'll continue to improve it over time,” Schwartz added. […]

»Asked about whether Iranian nuclear sites are immune to US air power, Schwartz said, “It goes without saying that strike is about physics. The deeper you go the harder it gets.” The general noted that the US arsenal “is not an inconsequential capability,” saying that the outcome of any preemptive attack would depend on the goal of the strike.»

Il est possible, sinon probable, qu’en répondant à ces questions le général pensait au F-22, – ce qui explique le caractère “inconséquentiel” des réponses. En effet, le F-22 est à nouveau à l’honneur des nouvelles, au plus mauvais des propos qui est celui des ennuis d’alimentation en oxygène de ses pilotes. Le Daily Mail (le 29 février 2012) et Russsia Today (le 29 février 2012) annoncent que le F-22 est à nouveau interdit de vol, du moins “temporairement”. L’affaire est en effet assez confuse et il semble bien qu’il n’y ait eu qu’une mesure effectivement “temporaire”, de 24 heures, en Alaska, à la base d’Elendorf. Mais cette affaire d’interdiction de vol ou pas cette semaine ne semble qu’accessoire par rapport au problème qui est à la base de tout cela, des précédentes interdictions de vol (la précédente a duré plus de trois mois) comme de la situation qui les avait suscitées.

DoDBuzz, du 28 février 2012, rapporte les résultats des recherches sur les problèmes de malfonctionnement, qui sont à la base de l’interdiction de vol massive de 2011, comme de celle, de 24 heures, de mardi dernier. Les résultats sont infructueux, et c’est bien le plus grave de tout…

«Air Force leaders still do not know for sure why the F-22 Raptor keeps suffocating its pilots after the service completed a fleet-wide study of its aircraft oxygen generation systems.

»Air Force engineers didn’t find a “smoking gun” during the Air Force Scientific Advisory Board’s quick-look study, said Lt. Gen. Herbert “Hawk” Carlisle, the Air Force deputy chief of staff for Operations, Plans and Requirements. Air Force Secretary Michael Donley ordered the study after the service grounded its F-22 fleet when multiple pilots experienced “hypoxia-like” symptoms in flight…»

En d’autres termes, le F-22 vole dans des conditions extrêmement précaires, avec l’avis, pour les pilotes, qu’un incident d’alimentation en oxygène peut arriver, et l’idée, pour ces mêmes pilotes, qu’ils peuvent être silencieusement intoxiqués par le système d’alimentation en oxygène. Un mystère supplémentaire est que ce système équipe la plupart des autres avions de l’USAF, qu’il a posé quelques problèmes avec le F-18, et aucun de significatif pour les autres semble-t-il, mais qu’il en pose particulièrement de très graves avec le F-22… (Mais le F-22 étant ce qu’il est, ce problème l’affecte bien plus s"il est lié à une architecture électronique que personne n’a vraiment maîtrisé, et, par conséquent, un comportement opérationnel erratique dans certains cas. Cet avion est continuellement sur la corde raide tendue au-dessus du vide et sur le fil du rasoir.)

«The Air Force three-star said the problems with the oxygen system do not just affect the F-22. Engineers found similar problems in the Navy’s F-18. The Air Force has shared results of their quick look study with Navy leaders. The quick-look study inspected the oxygen generation systems of the A-10 Thunderbolt II, F-15E Strike Eagle, F-16 Fighting Falcon, F-35 Joint Strike Fighter, B-1 Lancer, B-2 Spirit, CV-22 Osprey, and T-6 Texan II as well as the F-22…»

Ainsi sommes-nous à considérer à sa juste valeur le caractère nullement “inconséquentiel” de l’arsenal US, cette fois par rapport à l'efficacité au prestige menacés de l’USAF, tant dans son fonctionnement propre que dans sa participation à l’attaque contre l’Iran. On se trouve dans l’habituelle situation, de plus en plus marquée par sa radicalisation, des deux extrêmes du technologisme. D’une part, l’augmentation exponentielle, du point de vue quantitatif sans aucun doute, et soutenu en théorie par un impeccable aspect qualitatif selon l’entendement du technologisme, de la puissance massive du système, comme le montre l’exemple des monstrueuses bombes MOP ; d’autre part, des incertitudes et des dysfonctionnements ou malfonctionnements en constante augmentation, de cet aspect qualitatif, justement, qui s’avère de plus en plus instable et incertain en réalité ; comme si le quantitatif et le qualitatif (même “selon le technologisme”) étaient désormais devenus antagonistes et autodestructeurs, insupportables l’un à l’autre.

Le cas du F-22, autant que l’incapacité de le résoudre pour cet appareil lui-même, illustrent bien cette situation extrême, et font aussi bien s’interroger sur l’autre cas de l’usage des bombes MOP, par rapport aux données d’identification de l’objectif, de précision du tir, des conséquences physiques et sismiques de l’énormité de la charge, etc. Dans tous les cas s’installent la même incertitude, devant les conséquences catastrophiques possibles de la situation du système du technologisme, qui s’installe dynamiquement dans un état d’ “‘auto-intoxication ”, évidemment à cause de sa complexité pour ce qui de l’analyse rationnelle de la chose. D'autre part, le cas est sans aucun doute fondamental et affecte toute l’orientation du progrès technologique, du système du technologisme, autrement dit du Système. C’est la dynamique du Système elle-même qui devrait désormais figurer comme la parabole fondamentale de notre situation, celle de la surpuissance à l’autodestruction ; sapiens évolue là-dessus, lui aussi, comme sur une corde raide tendue au-dessus du vide, comme sur le fil du rasoir.

 

Mis en ligne le 1er mars 2012 à 06H58